Légende du géant Roland De Finestrat
Toute La Force de l’Amour
La légende du Puig Campana
et de la brèche de Roland
Par Alain llorca
Il y a bien longtemps de cela, un Géant du nom de Roland vivait dans la montagne qui surplombe le village de Finestrat, et en avait fait son refuge. Du fait de sa vie recluse, il devait affronter tous les périls d’une nature sauvage afin de survivre. En se servant de peaux de bêtes, il avait construit une cahute qui lui servait de logis et qui l’abritait des intempéries. Étant une des rares personnes à vivre dans les parages, il se sentait vraiment le maître des lieux, ne craignant aucune incursion intempestive des paysans de la région. D’autant plus que c’était un colosse doté d’une force herculéenne. Si jamais il lui arrivait de rencontrer quelque animal prédateur, loin d’affronter l’animal dans un combat dont il savait qu’il en sortirait fatalement vainqueur, il s’en écartait en faisant seulement quelques enjambées. De la même manière, en été, lorsqu’il lui prenait l’envie d’aller se baigner, il couvrait en peu de pas la distance qui le séparait de la mer. La cueillette de fruits sauvages, la pêche et la chasse étaient ses moyens de subsistance. Et sans s’aventurer bien loin de son repaire, en direction du sud, l'eau jaillissait fraîche et douce pour calmer sa soif. À sa portée, il avait donc tout ce dont il pouvait avoir besoin. Roland vivait ainsi insouciant et en parfaite liberté. Toutefois, il ne se sentait pas vraiment heureux. Certains jours, en effet, il errait de crête en crête, ombrageux et mélancolique, l’âme en peine, une angoisse inexplicable au cœur. Il est vrai que sa nature rustique supportait assez bien la solitude, mais il ressentait au fond de lui le manque d’un élément essentiel, de quelque chose qui lui fournirait une raison d’exister. Quelque chose ou quelqu’un...
Un jour de printemps, il s’était rendu en un lieu connu de lui seul, un vallon parsemé d’arbres dont la cime touffue protégeait une source d’eau fraîche. Il venait de s’y abreuver et nonchalamment, ses doigts jouaient avec le filet d’eau vive, lorsque ses sens aiguisés par la vie sauvage décelèrent une présence étrangère. Il s’est retourné et la découverte qu’il faisait l’a stupéfait. L’intruse était une jeune femme d’une grande beauté. Elle avait aperçu le géant et n’osait faire un pas de plus. Roland l’observa pendant quelques secondes avec une curiosité amusée. Puis avec d’infinies précautions, il s'est approché d’elle pour lui offrir un peu d’eau dans ses mains réunies en coupe. Étant donné sa taille gigantesque, il dut s’agenouiller. Devant ce geste prévenant, la jeune femme oublia sa crainte et se mit à rire. Décontenancé, le colosse prit aussi le parti de rire, mais ce fut un rire tonitruant, d’une puissance telle que toute la montagne en fut secouée. De rocher en rocher, son rire joyeux se répercutait sur toutes les parois de la montagne. Il y avait dans son rire comme un accent de triomphe et de puissance, celui d’un homme qui découvre enfin le sens à donner à sa vie. Dès cet instant, Roland fut conquis par le charme de la belle Alda. Cette affection s’avérant réciproque, c’est ensemble qu’ils gagnèrent sa cabane. Des jours heureux se succédèrent. Grâce à ses mains expertes, la jeune femme transforma la sombre cahute en un nid douillet, agréable et lumineux. En période estivale, la voûte céleste leur servait souvent de toit, et leur couche ne devait son moelleux et son parfum qu’aux plus fines et aux plus odorantes des herbes qui abondaient dans les environs. Ils s’aimaient passionnément. C’était vraiment le bonheur parfait. Aucune puissance au monde ne serait arrivée à séparer le couple qu’ils formaient dorénavant. Mais de même que toute chose sur cette terre comporte un début et une fin, leur bonheur fut aussi éphémère que la course des étoiles filantes dans le firmament.
L’hiver s’était déjà installé. Un jour de brouillard que Roland retournait chez lui, après une longue chasse fructueuse, un inconnu se dressa devant lui, à quelque distance dans l’épaisse brume. Roland n’aperçut qu’une silhouette imprécise mais dès cet instant, il ressentit confusément quelque chose d’épouvantable et d’effrayant. Lui qui ignorait ce qu'était la peur se trouva paralysé de terreur.
- Qui êtes-vous ? lui a-t-il demandé.
L’inconnu ne répondit pas à la question. D’un timbre à la fois glacé et empreint d’affection respectueuse, il s’adressa à Roland :
- Je te conseille de te dépêcher si tu veux voir ta compagne encore en vie, car lorsque le dernier rayon de soleil délaissera ta cabane et disparaîtra derrière le massif, ta bien-aimée mourra.
Affolé par cette lugubre prophétie, le géant se dirigea d’un pas rapide vers son refuge. Où il ne put que constater qu’Alda était effectivement très malade. Les derniers rayons de soleil occupaient encore pour peu de temps la pièce. Lentement, mais sûrement, la jeune fille agonisait. Son visage et ses mains avaient déjà la blancheur et la fragilité d’un lys. Tandis que ses cheveux blonds brillaient dans un dernier flot de lumière, ses yeux étaient deux étoiles bleues qu’un brouillard opacifiait de minute en minute. Avec beaucoup de tendresse, il a pris les mains froides d’Alda dans les siennes pour essayer d'y insuffler un peu de chaleur. La jeune fille fixait les yeux de Roland, comme si elle voulait y puiser un supplément d’énergie. Mais sa vie s'échappait irrémédiablement sous le regard affligé du géant. La douleur et le désespoir emplissaient le cœur de Roland. Des larmes apparurent dans ses yeux. Pour la première fois il pleurait et c’était des larmes d'amour! Lui, dont la stature et la force n’avaient d’égal que le courage, restait tétanisé à la vision de cet être cher dont la vie déclinait. Dans un frisson de colère, il lança violemment un poing rageur en direction du soleil dont la course inexorable mettait en péril la vie de sa bien-aimée. Mais rien n’y faisait. L’astre diurne continuait son chemin, indifférent à la détresse du colosse. Se sentant impuissant devant le malheur imminent, il se dirigea alors vers le sommet du Puig Campana où il savait pouvoir trouver un sorcier guérisseur qui pourrait lui fournir un remède pour combattre le mal. Mais le sorcier ne put hélas que lui avouer son impuissance devant le décret divin. Sur le chemin du retour, Roland désespéré ne cessait de se répéter la maudite prophétie : “Lorsque se couchera le soleil et lorsque le dernier de ses rayons disparaîtra dans les abysses souterrains, alors elle mourra...”
Et tandis que de sombres pensées l’habitaient, le soleil continuait sa course en se dissimulant totalement derrière la montagne... À cette vue, et comprenant alors que le destin s’en prenait à ce qu’il avait de plus cher, Roland est entré dans une fureur terrible. D’un formidable coup de pied, il a si bien entamé la montagne qu’un énorme morceau de roche s’en est détaché pour aller finir son trajet dans la mer toute proche. (N.D.L.R. : pour former sans doute l'îlot actuellement dénommé Île de Benidorm).
Par la large cavité ainsi créée, la lumière du soleil réapparut, éclairant le paysage quelques instants de plus, procurant un sursis pour la malheureuse. Mais ce répit fut de courte durée, car le soleil , comme un fugitif impitoyable, avait cette fois complètement disparu. Et la terrible prophétie s’accomplit les beaux yeux d’Alda s’éteignirent à tout jamais. Avec d’infinis soins, il a pris dans ses bras puissants le corps sans vie et, chargé de ce précieux fardeau, il a erré comme un fou sous le regard des étoiles, moins belles et moins pâles que le visage qui semblait endormi sur son cœur….À cet instant, la Lune naissante resplendissait dans ce décor tragique et sa lueur se propageait à la surface des eaux en un reflet argenté. Un espoir insensé naquit dans l’esprit de Roland, l’espoir que cette lumière pourrait redonner vie à sa belle. D’un pas mécanique et portant toujours le cadavre, il s’est acheminé vers le sillage phosphorescent. Les yeux toujours fixés sur le reflet de l’astre de la nuit, il arriva au rivage et là, continua de progresser en direction du large poursuivant son espoir chimérique. Très vite, l'eau lui est arrivée à la ceinture. Il a alors élevé au dessus de sa tête le corps de la défunte, pour éviter qu’il ne soit mouillé. Son geste avait toute la valeur d’un sacrifice pour invoquer la clémence des éléments.
C’est alors qu’il atteint l’îlot récemment né de son geste de révolte. En ce lieu, il trouva une anfractuosité capable de les protéger momentanément. Il y déposa le corps avec une tendresse infinie. La clarté lunaire lui révélait la blancheur sépulcrale de celle qui avait été la belle Alda.
Un court instant, il a osé espérer un miracle. Puis se soumettant à la décision du destin, il se préparait à abandonner son amour. Mais il ne pouvait se résoudre à la laisser ainsi, fragile dépouille à la merci des éléments. Alors, il s’est couché, la couvrant de son propre corps, lui offrant un bouclier naturel contre l’agression des éléments.
Il resta ainsi longtemps, très longtemps... jusqu’à ce que, plusieurs mois après, une houle invasive blanchisse et disperse les ossements des deux amants enlacés pour l'éternité....
La Seyne-sur-Mer, le 3 janvier 2009
Sources :
http://es.wikipedia.org/wiki/Puig_Campana
http://www.alicantevivo.org/2007/04/la-leyenda-del-puig-campa
na.html
http://www.nueva-acropolis.es/alicante/pagina.asp?art=1165
http://www.benidormytu.com/benidorm2/benidorm504.htm
http://foro.meteored.com/reportajes+de+viajes+pueblos+natura
leza+y+montana/la+montana+magica+el+puig+campana-t916
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Alain Llorca
Descendant de Geronimo LLORCA, journalier agricole ayant vécu à Finestrat au début du 19è siècle, Alain LLORCA est né en 1941 à Fès au Maroc. Il vit actuellement en Provence et partage ses activités de retraité entre l’écriture et la généalogie.
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